Evénements

12/12/2012

Hommage à Mamia Chentouf et aux Moudjahidate

Nous voulions commémorer à notre manière ce cinquantenaire de l’indépendance de notre pays. Nous voulions le commémorer avec vous, pour vous dire combien nous avons conscience que notre présence, notre engagement aujourd’hui, était le fruit des ruptures auxquelles vous aviez consenti dès votre jeune âge. Madame la directrice du Palais de la Culture nous a entendues car elle partage avec nous le fait d’appartenir à une génération de femmes conscientes de leur dette à votre égard. Association de femmes algériennes nous voulions aussi inscrire notre action dans les pas de celles qui avaient fondé la première association de femmes algériennes dès 1947, gravant d’emblée leur action dans la lutte pour la libération du peuple et la conquête de droits nouveaux pour les femmes algériennes.
Le nom de Mamia Chentouf est honoré, ici, pour son caractère fondateur donc, mais aussi pour son caractère emblématique. S’agissant d’elle, il s’agit de vous toutes. Beaucoup ont tenté de restreindre votre combat à une « aide » à vos « frères », à des fonctions « subalternes » telles qu’infirmières ou cuisinières, essayant de réduire l’impact politique de votre action vitale pour la révolution. C’est ce message de lutte politique que nous avons compris de l’engagement et du parcours de Mamia Chentouf qui, pour nous, représente des millions d’autres algériennes connues ou inconnues, ces milliers d’anonymes, dont ni le nom, ni les souffrances, ni les actes de bravoure et de résistance n’ont été ni ne seront inscrits dans la pierre.
Vous avez connu les geôles, les maquis, la peur, l’humiliation, la faim, les tortures et nous voudrions, aujourd’hui, vous dire combien ces souffrances sont devenues un legs pour nous. Jamais nous n’avons considéré nos actions et nos revendications autrement que comme l’expression de notre désir de rester à hauteur de vie humaine, à hauteur de votre engagement. Nous savons combien chacune d’entre vous a contribué à nous permettre d’être des algériennes autorisées à être et revendiquer dans l’espace public.

Nous avons tardé à vous rendre cet hommage; nombre d’entre vous ne sont plus là, certaines sont usées, fatiguées mais nous voudrions vous dire que, malgré le prix que vous avez payé, ce ne fut pas simple pour nous aussi. Nous avons dû conquérir un droit à la parole, nous avons même dû conquérir le droit de nous réclamer de vous. Nous avons rencontré beaucoup d’entre vous au cours de nos luttes après l’indépendance, vous avez été présentes, vous nous avez soutenues et certaines d’entre nous savaient ce qu’elles vous devaient sans même connaître vos noms et vos visages, tant l’Algérie indépendante a effacé de votre combat.
Ce que nous voulons retenir à travers Mamia Chentouf, ce que nous retenons de l’histoire de ces femmes et de leur lutte peut être silencieuse, qui n’a pas encore été mise en lumière, c’est cette revendication d’être des sujets de leur histoire, de leur vie, de leur société, de leur temps. C’est ce message que nous avons compris, nous filles de l’indépendance, et c’est ce message que nous avons fait nôtre dans le mouvement des femmes auquel nous croyons et que nous revendiquons
Nous vous demandons d’accepter qu’aujourd’hui nous puissions, collectivement, vous remercier d’avoir fait en sorte que nous soyons en mesure de vous rendre cet hommage. Merci.